Le don et l’appel à l’unité de Dieu – et notre engagement
— Aug. 30, 201230 aoüt 2012
Le Conseil œcuménique des Eglises Assemblée se réuniront à Busan, en Corée du Sud à partir du 30 Octobre au 8 Novembre 2013. À chacune des neuf précédentes assemblées, le COE a publié une «déclaration de l’unité,” en exprimant leurs espoirs et leur vision de l’unité, et appelant les Eglises à continuer à travailler et à prier pour l’unité. Le texte qui suit est un projet de texte préparé pour la 10e Assemblée. Il est également disponible en English, Deutsch et Español.
Le don et l’appel à l’unité de Dieu – et notre engagement
1. La création est un don du Dieu vivant. Nous célébrons la vie et la diversité de la création et nous rendons grâces pour sa bonté (Genèse 1). Dieu a voulu que l’ensemble de la création, réconciliée dans l’amour du Christ par le pouvoir transformateur de l’Esprit Saint, vive ensemble dans l’unité et la paix (Éphésiens 1).
Notre vécu
2. Aujourd’hui, l’ensemble de la création, le monde et ses habitants vivent dans la tension entre l’espérance la plus haute et le désespoir le plus profond. Nous rendons grâces pour la diversité des cultures humaines, pour les merveilles de la connaissance et de la découverte, pour les communautés qui se reconstruisent et les ennemis qui se réconcilient, pour les personnes qui sont guéries et les populations qui sont nourries. Nous nous réjouissons quand des personnes de religions différentes œuvrent ensemble en faveur de la justice et de la paix. Ce sont là des signes d’espérance et de nouveaux départs. Mais nous sommes affligés parce qu’il est encore des lieux où pleurent les enfants de Dieu: l’injustice économique et sociale, la pauvreté et la famine, la cupidité et la guerre ravagent notre monde. Il y a la violence et le terrorisme ainsi que des menaces de guerres, en particulier de guerre nucléaire. Nombreux sont ceux et celles qui souffrent du VIH et du sida et d’autres épidémies; on déplace des populations et on les prive de leurs terres. Beaucoup de femmes sont victimes de violences, d’inégalités et du trafic d’êtres humains. Certains hommes souffrent aussi d’abus. Ce sont ces personnes qui sont marginalisées et exclues. Toutes et tous, nous risquons de devenir étrangers à nos cultures et déconnectés de la terre. La création a été victime d’abus et nous devons affronter ce qui menace l’équilibre de la vie, une crise écologique de plus en plus grave et les effets des changements climatiques. Ce sont là des signes de relations perturbées avec Dieu, les uns avec les autres, et avec la création – des relations qui déshonorent le don de la vie de Dieu.
3. Au sein des Églises, nous constatons une tension du même ordre entre réjouissance et chagrin. Nous voyons des signes d’une vie animée et d’une énergie créatrice dans la croissance de communautés chrétiennes dans le monde entier, avec une diversité nouvelle et sans précédent. Certaines Églises prennent conscience qu’elles ont besoin les unes des autres et qu’elles sont appelées par Christ à être en unité. Là où les Églises connaissent l’angoisse et une peur constante de la persécution, la solidarité entre chrétiens de traditions différentes au service de la justice et de la paix est un signe de la grâce de Dieu. Le mouvement œcuménique a toujours encouragé les amitiés nouvelles, créant un terreau favorisant la croissance de l’unité. Localement, des chrétiens travaillent et témoignent ensemble dans la communauté et de nouveaux accords scelle entre eux des alliances et des rapprochements fraternels. De plus en plus, nous reconnaissons que nous sommes appelés à échanger avec les personnes appartenant à d’autres religions, à apprendre d’elles, à collaborer avec elles afin d’œuvrer ensemble pour la justice et la paix et de préserver l’intégrité de la création de Dieu, qui est belle mais qui souffre. Ces relations plus profondes créent de nouvelles difficultés et élargissent nos perspectives.
4. Nous sommes cependant aussi affligés par les douloureuses situations dans lesquelles la diversité est devenue division et nous ne reconnaissons pas toujours le visage du Christ dans l’autre. Nous ne pouvons pas nous réunir ensemble autour de la table, dans la communion eucharistique. Certaines questions continuent de susciter la controverse et de nouvelles problématiques apportent leur lot d’écueils, qui créent de nouvelles divisions au sein des Églises et entre elles. Nous avons tendance à nous retrancher dans nos propres traditions et communautés, sans nous laisser stimuler et enrichir par les dons que les autres nous tendent. Il arrive que, malgré sa créativité, la vie nouvelle de foi semble ne pas inclure de passion pour l’unité ni de désir d’être en communion avec les autres. Cela nous rend d’autant plus disposés à tolérer l’injustice et même les conflits au sein des Églises et entre elles. Dans notre cheminement œcuménique, la lassitude et la déception de quelques-uns nous retardent tous.
5. Du fait de nos imperfections humaines, nous ne rendons pas toujours justice au Dieu qui est la source de notre vie. À chaque fois que nous faisons violence à la vie par nos pratiques d’exclusion, d’exploitation et de marginalisation, notre refus de mettre en œuvre la justice, notre réticence à vivre en paix, notre incapacité à rechercher l’unité et notre exploitation de la création, nous rejetons les dons que Dieu nous tend.
Notre vision commune des Écritures
6. C’est en lisant ensemble les Écritures que nos yeux s’ouvrent sur la place de la communauté du peuple de Dieu – c’est-à-dire l’Église – dans la création. Les hommes et les femmes sont créés à l’image et à la ressemblance de Dieu, qui leur confie la responsabilité de prendre soin de la vie (cf. Gn 1, 27-28). L’alliance avec Israël a été un moment décisif dans le déroulement de l’économie du salut. Les prophètes ont appelé le peuple choisi par Dieu à œuvrer pour la justice et la paix, à se soucier des pauvres, des exclus et des personnes marginalisées et à être une lumière pour les nations (cf. Mi 6,8 et Es 49,6).
7. Dieu a envoyé Jésus Christ qui, par son ministère et par sa mort sur la croix, a détruit les murs de séparation et d’hostilité, établi une nouvelle alliance et instauré une unité et une réconciliation authentiques dans son propre corps (cf. Ep 1,9-10 et Ep 2,14-16). Jésus a annoncé le royaume à venir de Dieu, il avait de la compassion pour les foules, il guérissait les malades et prêchait la bonne nouvelle aux pauvres (cf. Mt 9,35-36 et Lc 4,14-24). Par sa vie, sa mort et sa résurrection et par le pouvoir de l’Esprit Saint, Jésus a révélé la communion de la vie du Dieu Sainte Trinité et a ouvert à tous un nouveau mode de vie en communion les uns avec les autres dans l’amour de Dieu (cf. 1 Jn 1,1-3). Jésus a prié que ses disciples soient un, pour le salut du monde (cf. Jn 17,20-24). Il a confié son message et son ministère d’unité et de réconciliation à ses disciples et, à travers eux, à l’Église, qui est appelée à poursuivre sa mission (cf. 2 Co 5,18-20). Dès les premiers temps, la communauté des croyants et croyantes a vécu ensemble, se consacrant à l’enseignement des apôtres et la vie en communauté, rompant le pain et priant ensemble, se souciant des pauvres et proclamant la bonne nouvelle, tout en étant en proie aux factions et aux divisions (cf. Ac 2,42 et Ac 15).
8. Étant le Corps du Christ, l’Église incarne l’amour d’unité, de réconciliation et de sacrifice de soi que Jésus a offert au monde sur la croix. Au cœur de la vie même de communion de Dieu, il y a à jamais une croix et à jamais la résurrection, et c’est là une réalité qui nous est révélée à nous et qui est révélée par nous. Nous prions et attendons avec impatience que Dieu renouvelle la création tout entière (cf. Rm 8,19-21). Dieu est toujours là, en avant de nous, nous surprenant toujours, pardonnant nos échecs et nous offrant le don de la vie nouvelle.
L’appel de Dieu à l’unité aujourd’hui
9. Au cours de notre cheminement œcuménique, nous sommes parvenus à mieux comprendre l’appel lancé par Dieu à l’Église à servir l’unité de l’ensemble de la création. La vocation de l’Église est d’être: un avant-goût de la nouvelle création, un signe prophétique, pour le monde entier, de la vie nouvelle que Dieu veut pour toutes et tous, ainsi qu’un serviteur propageant la Bonne Nouvelle du Royaume de justice, de paix et d’amour de Dieu.
10. En tant qu’avant-goût, l’Église reçoit de Dieu des dons gracieux: une foi enracinée dans la Sainte Écriture; le baptême dans lequel nous sommes en Christ par le pouvoir du Saint Esprit et devenons une création nouvelle; l’Eucharistie – l’expression la plus pleine de la communion avec Dieu et les uns avec les autres –, qui renforce la communion et à partir de laquelle nous sommes envoyés en mission; et un ministère apostolique pour favoriser l’expression et le développement des dons de tous les fidèles et pour conduire la mission de l’Église. Les rassemblements synodaux et conciliaires sont eux aussi des dons qui favorisent, sous la direction de l’Esprit, la communion, pour discerner le consensus, pour enseigner ensemble et pour vivre sacrificiellement, en répondant aux besoins les uns des autres et aux besoins du monde. L’unité de l’Église n’est pas synonyme d’uniformité; la diversité aussi est un don, elle est créative et source de vie. Mais la diversité ne saurait être si grande que celles et ceux qui sont en Christ deviennent des étrangers et des ennemis les uns pour les autres, portant ainsi atteinte à la réalité unifiante de la vie en Christ.[1]
11. En tant que signe prophétique, l’Église a pour vocation de manifester la vie que Dieu veut pour l’ensemble de la création. Nous aurons du mal à être un signe crédible tant que nos divisions ecclésiales – qui découlent de désaccords fondamentaux dans la foi – demeurent. La marginalisation et les divisions fondées par exemple sur les origines ethniques, la race, le genre, le handicap, le pouvoir, le statut social ou la caste obscurcissent également le témoignage que l’Église doit rendre de l’unité. Pour que nous soyons crédibles, il faut que notre vie ensemble reflète les qualités de patience, d’humilité, de générosité, d’écoute attentive les uns des autres, de responsabilité mutuelle et d’universalité, ainsi que la volonté de rester ensemble, sans dire «Je n’ai pas besoin de toi» (1 Co 12,21). Nous sommes appelés à être une communauté défendant la justice dans sa propre vie, cohabitant en paix et ne se contentant jamais de la paix facile qui réduit au silence les protestations et la douleur, mais luttant pour la paix véritable qui accompagne la justice. Ce n’est que lorsque les chrétiens et chrétiennes accepteront la réconciliation et le renouveau par l’Esprit de Dieu que l’Église portera un témoignage authentique de la possibilité d’une vie réconciliée pour tous les êtres humains et pour toute la création. C’est souvent dans sa faiblesse et sa pauvreté, souffrant comme souffre le Christ, que l’Église est véritablement signe et mystère de la grâce de Dieu. [2]
12. En tant que serviteur, l’Église est appelée à réaliser le saint plan de Dieu, qui affirme la vie pour le monde, tel que révélé en Jésus Christ. De par sa nature même, l’Église est missionnaire, appelée et envoyée pour témoigner de cette communion que Dieu veut pour toute l’humanité et pour toute la création dans le Royaume de Dieu. Dans ses activités de service, d’évangélisation et de mission à la manière du Christ, l’Église contribue à offrir au monde la vie de Dieu. [3] Par le pouvoir de l’Esprit, l’Église est amenée à proclamer la bonne nouvelle de façon à susciter une réaction dans différents contextes, langues et cultures, afin de réaliser la justice de Dieu et d’œuvrer pour la paix de Dieu. Les chrétiennes et chrétiens vivent avec la présence de peuples qui pratiquent d’autres religions; ils sont appelés à faire cause commune, dans la mesure du possible, pour veiller au bien-être de tous les peuples et de la création.
13. L’unité de l’Église, l’unité de la communauté humaine et l’unité de la création tout entière sont indissociables. Elles sont inséparables. L’unité de l’Église nécessite une vie de justice et de paix nous forçant à travailler ensemble pour la justice et la paix dans le monde de Dieu.
Notre engagement
14. Nous affirmons la place de l’Église dans le dessein de Dieu et nous nous repentons des divisions qui règnent au sein de nos Églises et entre elles, confessant avec douleur que notre désunion sape notre témoignage rendu à la bonne nouvelle de Jésus Christ et mine la crédibilité de notre témoignage rendu à cette unité que Dieu souhaite ardemment pour toutes et tous. Nous confessons notre échec à faire justice, à œuvrer pour la paix et à assurer la pérennité de la création. Malgré nos échecs, Dieu est fidèle et indulgent et il continue à nous appeler à l’unité. Ayant foi en la puissance créatrice et re-créatrice de Dieu, nous aspirons à ce que l’Église soit un avant-goût, un signe crédible et un serviteur efficace de la vie nouvelle que Dieu offre au monde. C’est en Dieu, qui nous appelle à la vie dans toute sa plénitude, que la joie, l’espérance et la passion pour l’unité se renouvellent.
15. Ainsi, nous nous appelons mutuellement à demeurer attachés au «but premier de la communauté fraternelle d’Églises […] de s’appeler mutuellement à tendre vers l’unité visible en une seule foi et en une seule communauté eucharistique, exprimée dans le culte et dans la vie commune en Christ, à travers le témoignage et le service au monde, et de progresser vers cette unité afin que le monde croie.» [4]
16. Dans un esprit de fidélité envers cette vocation commune, nous œuvrerons ensemble à la pleine unité visible de l’Église une, sainte, catholique et apostolique à chaque fois que nous exprimerons notre unité autour de la seule Table du Seigneur. En nous consacrant à l’unité de l’Église, nous nous ouvrirons pour recevoir les dons des autres traditions et leur offrir nos propres dons. Nous poursuivrons les conversations théologiques en prêtant attention aux voix nouvelles et aux approches différentes. Nous intensifierons notre travail pour la justice, la paix et la guérison de la création et, ensemble, nous nous attaquerons aux enjeux complexes que constituent les problématiques sociales, économiques et morales contemporaines. Nous œuvrerons à trouver des façons de vivre ensemble plus justes, plus participatives et plus soucieuses de rassembler. Nous ferons cause commune pour le bien-être de l’humanité et de la création avec les membres des autres communautés religieuses. Avant tout, nous prierons sans cesse pour l’unité pour laquelle priait le Christ (cf. Jn 17): une unité de foi, d’amour et de compassion que Jésus Christ avait apportée par son ministère, une unité telle que celle que Jésus partageait avec le Père, une unité enveloppée dans la communion de la vie et de l’amour du Dieu Trine. Nous recevons ici le mandat d’accomplir la vocation de l’Église à l’unité dans la mission et le service.
17. Nous nous adressons à Dieu, dont nous dépendons, et nous prions:
Ô Dieu de la vie,
conduis-nous vers la justice et vers la paix,
pour que toute personne qui souffre puisse connaître l’espérance,
pour que le monde blessé trouve la guérison,
et pour que les Églises divisées deviennent visiblement une,
par celui qui a prié pour nous,
et en qui nous sommes un seul corps,
ton Fils, Jésus Christ,
qui, avec toi et le Saint Esprit,
est digne d’être vénéré, un Dieu,
maintenant et toujours. Amen
[1] Nous prions pour que, au moment où nos Églises réagissent au document de Foi et constitution L’Église – vers une vision commune nous soyons en mesure de mieux comprendre l’unité visible à laquelle Dieu nous appelle à vivre dans le monde et pour le monde.
[2] Nous exprimons notre gratitude aux nombreux programmes du COE qui nous ont aidés à comprendre ce que signifie être une communauté fidèle où l’on affronte et surmonte les divisions qui se manifestent en fonction des origines ethniques, de la race, du genre, du pouvoir et du statut.
[3] Nous rendons grâces à tout ce que nous avons appris au cours de la Décennie «vaincre la violence» au sujet de la paix juste à la manière de Dieu, qui se reflète dans l’Appel œcuménique à la paix juste issu du rassemblement pour la paix organisé en Jamaïque, ainsi qu’à tout ce que nous avons appris sur la mission à la manière de Dieu, qui est résumé dans le document de la Commission de Mission et évangélisation intitulé Ensemble vers la vie – Mission et évangélisation dans des contextes en évolution.
[4] Constitution et Règlement du Conseil œcuménique des Églises tels qu’amendés par la 9e Assemblée, Porto Alegre, Brésil, 2006: III – Fonction et buts. Nous repensons aux mots de la 1ère Assemblée du COE, en 1948: «Ainsi, à Amsterdam, en constituant le Conseil œcuménique des Églises, […] nous nous sommes liés les uns avec les autres. Nous sommes décidés à demeurer ensemble.» Conseil œcuménique des Églises