Une Réponse non violente à l’occupation israélienne?

 — Nov. 1, 20051 nov. 2005

Also available in English

Colloque international sur les investissements responsables
« Une Réponse non violente à l’occupation israélienne? »

Toronto, Ontario, 25-29 octobre 2005
Un rapport de voyage par Dr. Stuart Brown, Centre canadien d’œcuménisme

1. Le but de ce voyage était d’assister à un colloque international sur les investissements responsables : « Une Réponse non violente à l’occupation israélienne? » Notre Centre s’est inscrit parmi les soixante agences qui ont parrainé le colloque, qui était organisé par les Amis canadiens du Sabeel. J’ai fait le parcours par train, et je me logeais chez mon fils aîné et sa famille dans le quartier de Downsview.

2. Le premier événement du colloque était une conférence par Jeff Halper, anthropologiste israélien, à l’Église Unie Trinity-St Paul, au soir de mercredi 26 octobre. Halper est le coordinateur du « Comité israélien contre la démolition des habitats ». D’après lui, la plupart des Israéliens veulent la paix, et le premier ministre Sharon veut achever son programme et quitter la politique; ce programme serait de consolider les terres soumises en permanence à l’état d’Israël et de rendre impossible l’existence d’un état palestinien. Il semble que Sharon soit convaincu de la nécessité d’un « état » palestinien, en cinq cantons (Nablus, Ramallah, Hebron, Jérusalem oriental et Gaza), séparés par les terres israéliennes. Selon Halper, il s’agit d’un espèce d’apartheid. Il insiste que la solution à deux états n’est plus réalisable; la seule alternative à l’apartheid serait un état unitaire, où tous les habitants seraient citoyens à pied d’égalité ou bien il y aurait deux classes (ou plus) de citoyens. Pour éviter l’imposition d’un apartheid, Halper veut qu’on proclame des sanctions contre l’occupation des terres palestiniennes. Il vise les compagnies qui produisent des biens dans les terres occupées, des universités qui y conduisent des recherches, des équipes sportives qui y jouent, etc. Il y avait au moins 250 assistants à cette conférence; dix d’entre eux ont posé des questions, bien fondées pour la plupart, et Halper a donné des réponses aptes et bien réfléchies.

3. Jeudi 27 je me suis rendu au siège du Syndicat des Métallos du Canada, rue Cecil près du campus de l’Université de Toronto. Là j’ai renoué avec le président du colloque, le RP Robert Assaly, et j’ai fait plusieurs nouvelles connaissances avant que le programme ne commence. B.H. Yael, cinématographe torontoise, nous a présenté trois de ses films, tout en expliquant ses racines. (Elle est née en Israël, où son père était arrivé de Pologne et sa mère, d’Iraq, et elle milite dans le mouvement pour la paix depuis plusieurs années.) Le premier film évoque le souvenir du massacre de Deir Yassin; le second, plus long, parle de la solidarité que Yael aimerait encourager entre Israéliens et Palestiniens : tout en montrant plusieurs instances de persécution (prise des terres, destruction des habitations, intimidation, empoisonnement des eaux etc.). Le troisième film, trilingue, est plus poétique, avec un mélange de musiques, des scènes et des paroles israéliennes et palestiniennes. Nous étions une bonne centaine, et la discussion était animée et d’une ampleur plutôt large, touchant les contacts entre les partisans de la paix des deux côtés de la population israélo-palestinienne et soulignant l’effort officiel de supprimer toute évidence de persécution, y compris la réduction des programmes scolaires. Quelques écoles privées juives ont rédigé leurs propres programmes en collaboration avec des amis palestiniens. On a noté que le « Parc du Canada » est construit sur le site de trois villages détruits. Les films de Yael sont disponibles du site vtape.org, et le prix est de $150.

4. Frances Combs, du Synode de Toronto de l’Église Unie, nous a fait voir un film intitulé « Protest and Prayer », qui documente les efforts d’un comité de persuader à son synode de se joindre à un boycottage et une campagne de désinvestissement des compagnies qui profitent de l’occupation illégale des terres palestiniennes. Les obstacles principaux étaient l’ignorance des Canadiens face aux faits historiques et politiques, et des préjugés qui défendraient tout critique du gouvernement d’Israël et qui peindraient les victimes des persécutions comme des terroristes; on ne veut pas croire, par exemple, le fait qu’il y a beaucoup plus de morts chez les Palestiniens que chez les Israéliens; on supprime les témoignages de la destruction des données des ministères palestiniens en avril 2001. Le film montre des scènes des réunions du Synode qui ont abouti à l’adoption de la résolution. Pendant la pause, j’ai causé avec Linda Nichols (Église Épiscopale), Mary Corkery (Kairos), Marjorie Ross (Église Presbytérienne), Bill Janzen (Comité Mennonite Central), Keith Reynolds (Société des Amis, Whistler C-B) et Michael Peers (Toronto School of Theology).

5. Jeudi après-midi était le moment pour l’ouverture officielle. Robert Assaly a raconté
les origines de ce colloque, tout en évoquant la mémoire de Jim Graff, qui avait longtemps coordonné les efforts œcuméniques pour la justice au Moyen Orient, et qui était mort d’un cancer à la veille du colloque, dimanche 23. Robert nous a invités à partager le rêve de Jim de paix et de réconciliation, entre Palestiniens et Israéliens, et partout dans le monde. Il a expliqué le programme, axé sur les discussions et les échanges. Il nous a présenté Michael Peers, le louant pour toutes ses contributions à la cause de justice. Michael nous a parlé de cinquante ans de témoignage, en commençant avec ses années d’étudiant à l’Université de Colombie Britannique. Il a tissé ses expériences en Palestine et Afrique du Sud, et il a fini avec l’affirmation qu’il ne s’est jamais senti dépourvu de pouvoir.

6. Dale Hildebrand, de Kairos, était le modérateur de la première table ronde. Naïm Ateek, prêtre épiscopal palestinien et directeur du Centre Sabeel à Jérusalem, était le premier orateur. (Le Centre Sabeel est un foyer œcuménique de la théologie de libération.) Le titre de cette intervention était « Why Now? » (Pourquoi maintenant?) Sabeel n’était pas l’auteur de cette campagne de boycottage, qui était lancée par l’Église Unie du Canada et l’Église Presbytérienne des USA. Toutes les églises appuient le droit d’existence de l’État d’Israël, mais elles insistent que cet État doive terminer l’occupation et négocier un accord de paix avec les Palestiniens. Naïm notait que le monde d’aujourd’hui n’aime pas les murs : le mur de Berlin est tombé et ce nouveau mur en Palestine ne convainc guère le monde en termes de nécessité politique. Il semble que personne ne puisse arrêter la persécution israélienne. Jésus a prêché l’amour et c’est donc aux Églises que les gens de Sabeel doivent tourner en quête de justice. Les Églises doivent appuyer la justice et la vérité en éliminant leurs investissements dans cette injuste occupation.

7. Stav Adivi, membre du groupement « Courage to Refuse »et du Comité contre la Destruction des Habitations, a refusé de servir comme officier dans les territoires occupés. Il s’est prononcé d’accord avec tout ce que Naïm avait dit, et il nous a souligné que la seule façon d’obtenir la sûreté d’Israël était par la reconnaissance des droits des Palestiniens et la négociation d’une paix durable. La communauté internationale a le devoir d’aider Israël à réaliser ces buts. À plusieurs reprises, Stav a répété qu’il ne visait que l’occupation, et que l’existence de l’État d’Israël n’était pas en jeu. Reporter la justice est renier la justice. Il faut avoir le courage d’agir, dès maintenant. Quoiqu’on ait pris un peu trop de temps, on a entendu des questions et les réponses des deux conférenciers. Les grands thèmes de la discussion concernaient la distinction nette entre Israël et occupation, les rapports futurs entre Israël et l’état palestinien en particulier et les autres états arabes en général.

8. Le comité organisateur du colloque avait préparé huit ateliers pour aiguiser nos esprits, mais il faillait faire des choix sérieux. En fin de la journée nous nous sommes séparés pour la première période en atelier, et j’étais dans le groupe #2 présidé par Monica Styron de Californie, Presbytérienne, secondée par Frances Combes de l’Église unie (Synode de Toronto) et David Wildman de l’Église Méthodiste Unie. Frances a raconté les événements qui avaient abouti à l’adoption de la résolution du Synode, comme nous avions vu dans le film. Elle a ajouté que, même après l’approbation de la résolution, il y avait des réticences au niveau officiel, mais elle avait persévéré. Enfin, on a tout approuvé, et il y a une personne engagée à temps partiel pour implémenter le programme. David Wildman a esquissé des aspects pratiques, basés sur 1 Jn 3 : 18 (aimons-nous les uns les autres, pas seulement en paroles, mais en vérité et en action). On peut, par exemple, voir si le dialogue interreligieux se sert faussement comme prétexte pour ne rien faire : il faut se baser surtout sur la justice. Il faut prier sans cesse et interpeller les responsables politiques et ecclésiastiques vis-à-vis des déclarations antérieures et des postillons déjà élaborées. Les fidèles doivent se renseigner sur les investissements actuels de leurs Églises. Quelques Églises (p. ex. mennonite) ont rédigé des listes d’agences en Palestine ou en Israël qui méritent les investissements positifs. L’Église Épiscopale des États-Unis réduit ses investissements, mais elle veut en garder un petit reste pour retenir son droit de vote aux assemblées des actionnaires. Au site iccr.org, on peut voir la liste des boycottages et des campagnes de désinvestissement couramment appuyés par des Églises. Une participante a aussi évoqué l’importance des contacts avec la presse.

9. Pour mon deuxième atelier, j’étais dans le groupe #8 avec une dizaine d’autres. Le titre de cet atelier visait le commerce équitable et le tourisme alternatif. Robert Massoud nous a parlé de l’huile d’olive qu’il vendait (marque Zatoun), produit des oliveraies de sa famille et de ses amis en Palestine. La coopérative (www.zatoun.com) a récemment commencé à vendre du savon à base d’olive. Les ouvriers et leurs collaborateurs ont aussi noué des amitiés à partir de leur travail commun. Le grand problème devant l’organisation à ce moment est de surmonter la barrière de viabilité : comment faire marcher l’entreprise de manière soutenable? Mary Corkery a suggéré qu’on fasse une campagne du genre « outils pour la paix » qui a appuyé les artisans nicaraguayens dans les années 70 et 80. Robert a poursuivi sa présentation pour souligner que l’investissement que désirent les Palestiniens s’agit des entreprises agricoles (olives, oranges) et intensives au plan du travail. On a fini par noter plusieurs groupes qui parrainent du tourisme responsable en Palestine.

10. Naïm Ateek était le conférencier de ce soir, à l’Église Unie de la rue Bloor, parlant à une assistance d’environ 150 de sa vision de l’avenir du mouvement Sabeel. Il a précisé que les priorités de sa fondation sont la justice, la paix et la réconciliation, à réaliser dans cet ordre parce qu’il faut que les Palestiniens connaissent la justice avant de construire la paix et tisser la réconciliation. On a posé beaucoup de bonnes questions, et il y avait aussi quelques discours politiques en guise de questions. Naïm a répondu à toutes les interventions en douceur et patience.

11. Arrivé de bonne heure vendredi au site du colloque, j’ai rangé une vingtaine de nos revues en anglais et une dizaine en français, sur la table qu’on m’avait fournie dans la salle des expositions. J’ai visité les autres tables, dont la plupart visaient des aspects particuliers de la situation en Méditerranée orientale ou des campagnes contre la violence. Le cheikh Farid Esack de l’Afrique du Sud a guidé nos réflexions, en nous rappelant que nous sommes les créatures de Dieu et nous lui retournons. Nos talents sont de Dieu, et nous devrons lui expliquer ce que nous aurons fait avec les ressources qu’il nous a confiées.

12. Stephen Sizer, du comité britannique des amis du Sabeel, a présidé notre première séance. Il a lu un rapport sur la destruction d’un village palestinien et l’octroi d’un prix au chauffeur du bulldozer le plus assidu. Jad Isaac, directeur général de l’Institut de Recherche appliquée de Jérusalem, devait nous parler de l’impact économique des investissements, mais il n’avait pu quitter Bethléem assiégé. On nous a donc fait écouter son discours enregistré, accompagné de diapos. Il a expliqué comment le régime actuel en Israël a réduit l’accès des Palestiniens au marché du travail en Israël, tout en détruisant les habitations et les bâtiments industriels en territoire palestinien. En même temps, Israël s’arrache de plus en plus des terres qui avaient été occupées par les Palestiniens et qui sont passées aux nouvelles colonies, surtout à Jérusalem et dans la vallée du Jourdain. On a retiré les colons de Gaza, mais le territoire est devenu la plus grande prison du monde, contrôlée par les autorités israéliennes. En Cisjordanie, il y a deux réseaux routiers : un réseau goudronné de 750 km réservé aux Israéliens, et un autre système moins développé et moins direct, pour les Palestiniens. Le gouvernement prévoit creuser des tunnels pour lier les zones palestiniennes tout en évitant la présence de véhicules palestiniens sur les routes israéliennes. La répression engendre une frustration croissante, qui couve la violence.

13. On a réussi d’atteindre Jad par téléphone, ce qui a permis à quelques participants de lui poser des questions. Nous étions une centaine d’assistants; pendant une demi-heure, Jad a répondu à une douzaine de questions; par exemple, sur la définition de « viabilité », le sort des Palestiniens vivant dans des zones englobées par les colonies, des difficultés physiques telles que la restriction des mouvements et des visites, de la barrière que le gouvernement construit au bord de la mer à Gaza. La présentation sera disponible à son site : arij.org

14. Michael Mandel, professeur à l’école de droit Osgoode, nous a fait une conférence sur les aspects juridiques de l’occupation, en tant que juif opposé à cette occupation des terres palestiniennes. Le professeur Mandel croit que la solution reste entièrement chez le gouvernement israélien, qui n’a qu’à accepter la frontière de 1967 et les résolutions de l’ONU. L’occupation est illégale et criminelle. Plusieurs politiques et activités courantes du gouvernement israélien vont contre la loi internationale et la loi canadienne. Une campagne de désinvestissement de la part du gouvernement canadien serait illégale, mais une campagne publique de la part des individus serait admissible. Même la Cour Suprême d’Israël a critiqué la position du gouvernement. L’occupation illégale de Cisjordanie constitue une agression, et toute violence faite pour appuyer cette agression est un crime dans le droit international. Il y a 400.000 colons illégaux installés dans le territoire palestinien. Cette occupation, dit le professeur, n’est pas bonne pour les Palestiniens; elle est également mauvaise pour Israël et tous les juifs. Elle est illégale, et sa continuation rend difficile tout effort vers la paix.

15. Mgr Desmond Tutu, le grand « patron » (parrain) du Sabeel, avait voulu assister au colloque. Empêché par une mauvaise santé, il a envoyé un vidéo, dans lequel il a déploré l’attitude du gouvernement israélien et ses actes contre le peuple palestinien. Il a insisté que la violence ne mène qu’à d’autres actes de violence, et il a plaidé pour des attitudes de conciliation de tous les côtés : Give peace a chance!

16. Monica Lambton a offert une synthèse des ateliers, que la plupart des participants avaient jugés utiles parce qu’ils donnaient de bonnes occasions pour tisser des réseaux, quoiqu’ils donnent aussi une occasion à quelques éléments négatifs à lancer des attaques contre les militants qui cherchent à améliorer la situation.

17. Nous nous sommes dirigés pour la troisième fois à nos ateliers. Cette fois, je suis allé au groupe qui discutait l’élaboration d’un mouvement international pour les investissements responsables. Mary Lou Leiser Smith, de l’ICAHD-USA (Caroline du Nord) et Jeff Halper (directeur général de l’ICAHD à Jérusalem) étaient nos animateurs. (Peut-être il vaut la peine de rappeler que l’ICAHD est le Comité israélien contre la démolition des habitations.) Jeff voulait que le groupe élabore une stratégie efficace, mais il semblait difficile à cerner une formule exacte. Il faut toujours garder à l’esprit que le but principal est de terminer l’occupation. On peut facilement désinvestir son argent de Caterpillar, mais il faudrait trouver une autre société dans laquelle une Église pourrait investir. (La société canadienne SNC-Lavalin a construit le grand chemin réservé aux Israéliens entre Jérusalem et Jéricho.) Plusieurs participants voulaient qu’on soit plus clair dans les termes de la discussion : on veut informer les gens au sujet de l’occupation et on veut les recruter à l’effort de la terminer. Il y a des sociétés qui ont ouvert des succursales dans les territoires occupés (Starbuck, Burger King, Estée Lauder) et que d’autres ont profité de l’occupation de diverses manières (Motorola, ITT). On sait que les oranges, les dattes et les avocats vendus à l’extérieur sont pour la plupart des produits des fermes occupées. Plusieurs intervenants ont souligné qu’il fallait corriger l’image d’Israël, qui est une puissance régionale plutôt qu’une victime. ICAHD-USA prépare des documents pour faciliter la formation publique.

18. J’ai causé pendant la pause avec Bob Paterson-Watt du Baptist Peace Fellowship. Ensuite nous sommes rentrés dans la salle plénière pour écouter une troisième table ronde : Colin Morton de la Commission de Mission de Churches Togehter in Britain and Ireland était le président. Amneh Badran du Centre pour les Femmes à Jérusalem a offert son analyse des parallèles entre le système d’apartheid en Afrique du Sud et le régime sioniste imposé en Palestine occupée. Dans les deux cas, un groupe venu d’outre-mer s’est installé dans un pays qui avait déjà une population autochtone, quoiqu’on parlât des pays inhabités ou des communautés de culture inférieure. L’Acte des Aires pour les Groupes a consigné des terres à des peuplades différentes, tout comme le règlement imposé par l’Agence juive. Dans les deux cas, les autochtones étaient obligés de quitter leurs terres ancestrales pour vivre dans les zones que les autorités les avaient réservées. Le seul gouvernement à reconnaître les bantoustans établis par le système sud-africain était l’Israël. L’ANC ne s’est pas désisté, et il a fini par gagner son indépendance, mais l’OLP a accepté une répartition du territoire. L’ANC a pu jouir de l’appui des populations voisines, tandis que les gouvernements arabes n’ont rien fait de pratique. La plupart des libéraux israéliens ont agi dans leur propre intérêt au lieu de chercher une société à pied d’égalité. Les blancs libéraux en Afrique du Sud, peu nombreux, se sont engagés avec les populations africaines pour lutter pour une société libre avec les mêmes droits pour chaque personne.

19. Farid Esack, qui avait déjà donné la méditation de ce matin, a commencé avec une distinction entre les situations sud-africaine et israélo-palestinienne. La vie en Palestine occupée, dit-il, est beaucoup plus compliquée et plus difficile que n’était la souffrance en Afrique du Sud. En méprisant les Palestiniens, les Israéliens et tous leurs complices contribuent au sacrilège d’une grande tradition religieuse. Le régime sud-africain n’a jamais permis la torture, ni la punition collective. Avant de démolir des maisons, le régime d’apartheid a émis des avis, plusieurs mois avant le fait.

20. Luthuli et ses collègues avaient demandé des sanctions dans les années 60, mais ce n’était qu’après les insurrections des années 70 que le mouvement s’est rangé derrière cet appel. La solidarité internationale était un élément important dans la lutte en Afrique du Sud, avec la résistance du mouvement national et la lutte armée. Les appels pour les sanctions s’encadraient dans le contexte d’un jeu de demandes spécifiques et dans la consultation avec les amis de l’extérieur. Ces amis devaient agir selon leurs propres consciences; « maintenant, nous sommes en solidarité avec les victimes d’un système qui salit nos propres mains et nous agissons pour notre propre purification. »

21. Après la pause nous avions encore une table ronde. Kim Byham, avocat et membre du Conseil exécutif de l’Église épiscopale des USA (ECUSA), ne trouve pas que le désinvestissement lave le sang de nos mains, car la plupart des taches aux mains américaines sont infligées par le gouvernement américain. La prise de position de l’Église presbytérienne a donné un exemple de courage et un avertissement des conséquences à attendre, surtout dans le cadre des réactions des organismes pro-israéliennes. Il y a des voix dans l’Église épiscopale qui veulent supprimer la discussion de la question du désinvestissement, mais il y a aussi de bons contacts avec l’Église de Jérusalem et le chanoine Ateek. L’ECUSA a choisi une politique d’engagement positif avec tous les participants de l’économie des territoires occupés : résolutions des actionnaires, communiqués de presse, investissements dans les entreprises autochtones.

22. Frances Combs a raconté de nouveau son expérience en guidant le comité qui a présenté la résolution pour le désinvestissement en Palestine occupée au Synode de Toronto de l’Église Unie du Canada : défaite en 2002, la résolution était adoptée en 2003. Nathan Wright a parlé de l’expérience du comité qui a fait approuver une résolution du désinvestissement au Conseil Général de l’Église unie du Christ aux États-Unis, malgré des manoeuvres plutôt malhonnêtes des opposants.

23. Anne Remley de la Société des Amis du Michigan nous a décrit l’effort de promouvoir la paix en Israël et Palestine au sein de son Église, dans le mouvement œcuménique et dans les conseils municipaux. Marc Tétreault, du mouvement « Alternatives » basé à Montréal, essaie de sensibiliser le public québécois aux questions impliquées dans la campagne du désinvestissement et du boycottage. Après son intervention, il y avait une discussion générale. Le sionisme évangélique pose un défi aux théologiens, en pensant par exemple aux prophètes qui critiquent l’oppression. Il y avait des doutes vis-à-vis de l’efficacité des investissements dans de petites entreprises, mais Kim a souligné le « devoir » chrétien d’optimisme et le point positif que les gens qui ont investi quelque chose suivront le sort de leurs atouts. Des juifs qui s’opposent à l’occupation ont encouragé tout le monde à tenir ferme.

24. Au cocktail, j’ai causé avec Marjorie Ross et Mary Corkery, avant de prendre ma place pour le dîner officiel. J’ai causé avec Nick Wright et Colin Morton, et nous avons écouté un discours léger mais provocateur prononcé par Luis Prado, évêque épiscopalien en retraite, du Brésil.

25. Mitch Smolkin (cantor) et Judith Wiseman ont guidé nos réflexions de samedi matin. Ils ont évoqué une ère où les gens vivaient en paix sans fortifications, quand les hommes et les femmes vivaient en partenaires égaux et en harmonie avec toute la création. Ils ont appuyé leur message avec des chansons bibliques (Cantique des Cantiques, Psaumes) en hébreu et des lectures en anglais, et Mitch nous a fait chanter en yiddish.

26. Marjorie Ross était la modératrice de la table ronde, en tant que présidente du Groupe de travail des Églises canadiennes sur le Moyen Orient. Le premier intervenant, Bill Somplatsky-Jarman de l’Église presbytérienne des États-Unis (PCUSA) a commencé en évoquant la lettre de Clifton Kirkpatrick, chef titulaire (Stated Clerk) de la PCUSA, qui milite depuis longtemps pour la justice en Palestine. L’Assemblée générale de la PCUSA a voté pour un désinvestissement progressif des sociétés qui profitent de l’occupation des territoires palestiniens, suivant le modèle développé dans les cas de l’Afrique du Sud et du Soudan. Ce geste a suscité une réaction massive de la part du gouvernement israélien et ses amis. Bill a souligné l’importance d’une stratégie de presse bien conçue et bien gérée, et il a exprimé sa reconnaissance aux collègues dans son Église et des partenaires dans les autres églises et les autres organisations qui ont exprimé leur solidarité. De la part de l’assistance, Marjorie a remercié la PCUSA pour son initiative courageuse.

27. Liat Weingart nous a parlé en tant que représentante de la Jewish Voice for Peace (Voix juive pour la paix), qui avait été la première organisation juive à appuyer la position de la PCUSA. Liat nous a raconté l’expérience qui lui a fait comprendre comment le village artistique de son grand-père avait été enlevé de sa population palestinienne. Aujourd’hui en Israël, il n’y a pas de panneaux pour indiquer les routes vers les bourgs arabes, tandis que les Arabes font 20% de la population totale de l’État d’Israël, sans parler des territoires occupés. Les sondages indiquent que la moitié des juifs américains veulent qu’Israël fasse des concessions pour faire une paix durable. Les grandes institutions juives n’ne font rien, et il y a donc une croissance des groupements « marginaux » qui donnent expression au nouveau courant.

28. Monica Lambton, secrétaire du colloque, m’avait recruté pour présider un groupe pour la quatrième session des ateliers; nous étions huit personnes qu’elle a convoquées pendant la pause pour nous expliquer nos devoirs pour l’après-midi.

29. Quand la table ronde a repris son travail, c’était au tour de David Wildman de l’Église méthodiste unie de nous parler. Il a décrit la campagne des Églises américaines, qui a adopté la devise, « freedom from occupation, equal rights for all under international law » (liberté de l’occupation, égalité pour tous sous le droit international). L’effort se base donc sur un engagement commun pour les droits humains, et il y a déjà à peu près deux cents groupes qui collaborent dans la coalition. Une des arènes principales est la politique du gouvernement des États-Unis, tandis que le grand défi est de faire circuler les informations et les idées d’action efficace à poursuivre dans les divers milieux. La société Caterpillar est devenue la cible des débats, à cause de l’utilisation de ses bulldozers dans la destruction des foyers. À la fin de son intervention, David a suggéré qu’il fallait réduire le temps passé en répondant aux critiques pour consacrer plus d’effort à la formation des alliances positives.

30. La dernière intervenante était Salpy Eskidjian, ancienne responsable dans la Commission des affaires internationales du Conseil Œcuménique des Églises. Elle a souligné le rôle essentiel du COE dans les programmes d’action sociale, dû à son engagement historique dans le soutien des droits humains et ses réseaux populaires dans le mode entier. L’occupation est illégale et ses conséquences sont immorales, et le COE a toujours voulu la fin de cette injustice. La responsabilité repose avec chaque église, pour agir d’après sa propre conscience, et avec les Églises ensemble, pour concerter leurs effort à l’appui de la justice en Palestine.

31. Marjorie a fait un petit résumé pour noter que tous les intervenants ont évoqué le même thème d’autorisation (« empowerment » : les chrétiens savent leur devoir et ils connaissent les ressources disponibles. Ce colloque nous a donné beaucoup d’idées pour la mise en valeur de nos principes et des outils qu’on a déjà élaborés. Il y avait une vingtaine de commentaires des assistants, touchant leur appréciation pour les efforts du COE, leurs souhaits pour un engagement des groupes de dialogue interreligieux dans des actions pour la justice, leur reconnaissance des efforts des chrétiens, musulmans et juifs en Palestine et en Israël qui luttent ensemble pour la justice, de leur désir d’élargir et approfondir leurs mouvements aux États-Unis et au Canada.

32. Nous avons pris nos plats de houmous dans les salles des ateliers. Comme prévu, j’étais le président de la douzaine des délégués basés à Hamilton, Ottawa et Montréal. Nous avons élu Marjorie Robertson comme secrétaire. Nous avons appuyé l’idée d’un réseau international ancré chez Sabeel et aussi celle d’un réseau canadien qui ferait circuler les nouvelles de chaque région pour encourager les échanges et pour partager les informations cueillies; par exemple, au sujet des compagnies canadiennes impliquées dans les territoires occupés.

33. La dernière séance plénière, présidée par Chris Derksen Hiebert, mennonite de World Vision, a d’abord écouté les huit rapporteurs des ateliers. Tout le monde était d’accord en voulant un réseau et de plus amples renseignements sur les activités et les événements de chaque région. L’initiative absolue doit rester avec les Palestiniens qui subissent les pires effets de l’occupation. Des groupes ont suggéré des calendriers communs pour coordonner des campagnes, des visites ou des manifestations éventuelles. Il serait difficile de maintenir une coalition avec un programme commun, mais il est possible et souhaitable d’ériger un réseau de renseignement et d’encouragement réciproques. On a décidé d’établir un comité de continuation, et les Amis du Sabeel au Canada vont poursuivre l’organisation de ce comité.

34. Monica a résumé notre colloque du début (pourquoi maintenant?) à la fin (que faire?). Naïm a offert une réflexion sur Lc 16 :1-13, la parabole de l’économe malhonnête. Cette histoire nous offre des conseils pour l’investissement responsable de l’argent d’une paroisse ou d’une Église. Quand une paroisse apprend que ses fonds sont utilisés pour appuyer une occupation illégale, les paroissiens ont la responsabilité d’agir; autrement, ils deviennent complices aux actions criminelles de l’occupation. La parabole nous montre que les responsables peuvent manipuler les faits de manière mensongère. Les croyants doivent veiller pour assurer que leurs investissements aient un effet positif sur les populations touchées. Enfin, nous devons avoir les mains propres : celui qui est digne de confiance pour une toute petite affaire est digne de confiance aussi pour une grande. Nous avons tous la responsabilité de nous opposer au mal.

35. Ce colloque était un exercice en dialogue pratique. Il y avait des chrétiens, des juifs et des musulmans, et ils sont venus de plusieurs régions du Canada, des États-Unis, de l’Europe, d’Israël et de Palestine. Unis devant le mal de l’occupation des terres palestiniennes et l’oppression systémique de leurs habitants, les participants se sont engagés de combattre ce mal avec tous les moyens disponibles, et surtout avec des campagnes et des actions vis-à-vis des agences et sociétés commerciales qui profitent de cette occupation illégale et cette oppression inhumaine. Je circule ce rapport aux membres du Conseil d’Administration du Centre Canadien d’œcuménisme et aussi aux collègues du Comité de Coordination du Réseau Œcuméniques de Justice et Paix, pour encourager une réflexion élargie sur le thème de l’investissement responsable.

Posted: Nov. 1, 2005 • Permanent link: ecumenism.net/?p=2208
Categories: Communiqué
Transmis : 1 nov. 2005 • Lien permanente : ecumenism.net/?p=2208
Catégorie : Communiqué


  Previous post: Ancien article : ELCA Presiding Bishop, LWF President Focuses on Ecumenism
  Newer post: Article récent : A Non-Violent Response to the Israeli Occupation?